Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
ACTE II, SCÈNE II.

sont des ombres de gueux. — Irons-nous à la cour ? car, par ma foi, je ne suis pas en état de raisonner.

rosencrantz et guildenstern. — Nous y serons de votre suite.

hamlet. — Il ne s’agit pas de cela ; je ne veux point vous ranger avec le reste de mes serviteurs, car à vous parler en honnête homme, je suis terriblement accompagné. Mais dites-moi, — pour aller droit par les sentiers battus de l’amitié, — que venez-vous faire à Elseneur ?

rosencrantz. — Vous voir, mon seigneur, pas d’autre motif.

hamlet. — Gueux comme je le suis, je suis pauvre même en remerciements, mais je vous remercie, et soyez sûrs, mes chers amis, que mes remerciements sont trop chers à un sou. Ne vous a-t-on pas envoyé chercher ? Est-ce votre propre penchant ? est-ce une visite de plein gré ? Allons, allons ! agissez en toute justice avec moi. Allons, allons ! en vérité, parlez !

guildenstern. — Que pourrions-nous dire, mon seigneur ?

hamlet. — Quoi que ce soit, mais que cela aille au fait. On vous a envoyé chercher, et il y a une sorte de confession dans vos regards que votre pudeur n’a pas l’habileté de colorer. Je le sais, le bon roi et la reine vous ont envoyé chercher.

rosencrantz. — À quelle fin, mon seigneur ?

hamlet. — C’est ce que vous avez à m’apprendre. Mais permettez-moi de vous conjurer, par les droits de notre camaraderie, par l’harmonie de notre jeunesse, par les devoirs de notre tendresse toujours maintenue, et par tous les motifs encore plus touchants qu’un meilleur orateur pourrait invoquer auprès de vous, soyez simples et droits envers moi : vous a-t-on envoyé chercher, oui ou non ?

rosencrantz, à Guildenstern. — Que dites-vous ?

hamlet, à part. — Bon ! j’ai déjà un aperçu sur votre compte. (Haut). Si vous m’aimez, ne me tenez pas rigueur.

guildenstern. — Mon seigneur, on nous a envoyé chercher.