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ACTE IV, SCÈNE VII.

de cette affaire. Ces braves gens t’amèneront là où je suis. Rosencrantz et Guildenstern continuent leur route vers l’Angleterre ; j’ai beaucoup à te dire sur eux. Adieu.

« Celui que tu sais à toi,

« Hamlet. »

Venez, je vous donnerai le moyen de remettre vos lettres : faites au plus vite, afin que vous puissiez me conduire vers celui qui vous en avait chargés.

(Ils sortent.)

SCÈNE VII

Un autre appartement dans le château.
LE ROI et LAËRTES entrent.

le roi. — Maintenant votre conscience doit sceller mon acquittement, et vous devez me donner place dans votre cœur comme à un ami ; car vous avez entendu, — et d’une oreille qui sait ce qu’elle entend, — comment celui qui a tué votre noble père en voulait à ma vie.

laërtes. — Oui, cela apparaît bien. Mais, dites-moi pourquoi vous n’avez pas fait procéder contre des actes si criminels et d’une si mortelle nature, comme votre sûreté, votre grandeur, votre sagesse, tout enfin vous y poussait puissamment.

le roi. — Oh ! pour deux raisons spéciales qui vous sembleront peut-être avoir bien peu de nerf, et qui cependant sont fortes pour moi. La reine, sa mère, ne vit presque que par ses yeux ; et, quant à moi (qu’elle soit mon salut ou mon fléau, n’importe !), elle est si intimement unie à ma vie et à mon âme, que, comme l’étoile ne peut se mouvoir hors de sa sphère, moi, je ne vais que par elle. L’autre motif qui ne me permettrait pas de pousser jusqu’à une enquête publique, c’est le grand amour que la masse du peuple lui porte. Toutes ses fautes disparaîtraient plongées dans leur affection qui, semblable à cette source où le bois tourne à la pierre, changerait ses chaînes en faveurs ; de sorte que mes flèches, faites d’un