ACTE CINQUIÈME
SCÈNE I
premier paysan. — Doit-elle être enterrée en terre chrétienne, celle qui volontairement est allée chercher son salut ?
second paysan. — Je te dis que oui ; creuse donc sa fosse tout de suite. Le coroner a tenu séance sur elle et a conclu à la sépulture chrétienne.
premier paysan. — Comment cela se peut-il, à moins qu’elle ne se soit noyée en un cas de légitime défense ?
second paysan. — Eh bien ! c’est ce qu’on a reconnu.
premier paysan. — Non, cela doit être un cas de personnelle offense ; cela ne peut être autrement. Car voici où gît la question : si je me noie volontairement, cela constitue un acte ; or un acte se divise en trois branches, qui sont : agir, faire et accomplir. Ergo, elle s’est noyée volontairement.
second paysan. — Bien ! mais écoutez-moi, bonhomme de fossoyeur.
premier paysan. — Permettez. Ici passe l’eau ; bien. Là se tient l’homme ; bien. Si l’homme va à l’eau et se noie, — qu’il le veuille ou non, — c’est parce qu’il y va qu’il se noie ; remarquez bien ceci. Mais si l’eau vient à lui et le noie, il ne se noie point lui-même : ergo, celui qui n’est point coupable de sa propre mort n’a point abrégé sa propre vie [1].
- ↑ Shakspeare ici tourne en ridicule les subtilités de la logique judiciaire de son temps. On trouve dans les Commentaires de