en attendant je reçois l’amitié que vous m’offrez comme une amitié vraie, et je ne lui ferai pas défaut.
hamlet. — J’embrasse volontiers cette assurance, et je vais disputer loyalement cette gageure fraternelle… Donnez-nous les fleurets. Allons.
laërtes. — Allons… Un pour moi.
hamlet. — Oui, Laërtes, un fleuret, et moi, je serai votre plastron [1] ; enchâssée en ma maladresse, votre habileté, comme une étoile dans la nuit la plus obscure, va ressortir avec tout son feu.
laërtes. — Vous me raillez, monsieur.
hamlet. — Non, j’en jure par ma main droite.
le roi. — Jeune Osrick, donnez-leur les fleurets. — Cousin Hamlet, vous connaissez la gageure ?
hamlet. — Très-bien, mon seigneur. Votre Grâce a placé le plus gros enjeu du côté le plus faible.
le roi. — Je ne crains rien : je vous ai vus tous deux à l’œuvre. Mais comme il a fait des progrès, nous avons pris un avantage.
laërtes. — Celui-ci est trop lourd ; voyons-en un autre.
hamlet. — Celui-ci me va ; sont-ils tous de longueur ?
osrick. — Oui, mon bon seigneur.
le roi. — Mettez-moi les flacons de vin sur cette table. Si Hamlet porte la première ou la seconde botte, s’il riposte à la troisième, que toutes les batteries fassent feu : le roi boira à Hamlet, lui souhaitant de moins perdre haleine, et il jettera dans la coupe la perle de sa bague d’alliance [2], une perle plus riche que celles de la couronne
- ↑ Le mot du texte foil, signifie fleuret ou feuille de métal, monture d’une pierre précieuse, tout ce qui encadre ou fait ressortir, tout ce qui fait contraste ; d’où le jeu de mots de Hamlet et l’image qui suit.
- ↑ En souvenir de Cléopâtre, c’était une prodigalité à la mode, que de jeter une perle dans la coupe avant de porter une santé. « Voilà, » dit un personnage de comédie, « seize mille livres sterling qui s’en vont d’une seule gorgée, en place de sucre. Gresham boit cette perle à la reine sa maîtresse. » On prétendait aussi que les perles donnaient une saveur cordiale à la liqueur où elles se dissolvaient ; et c’est ce double prétexte que le roi saisit pour empoisonner la coupe destinée à Hamlet. Quelques mots ont été ajoutés ici au texte ; on en verra la raison page 280, note 1.