de Danemark depuis quatre règnes. Donnez-moi les coupes, et que les timbales disent aux trompettes, les trompettes aux canonniers du dehors, les canons au ciel et le ciel à la terre : « Maintenant le roi boit à Hamlet. » Allons, commencez. — Et vous, juges, ayez l’œil attentif.
hamlet. — Allons, monsieur.
laërtes. — Allons, mon seigneur.
hamlet. — Une.
laërtes. — Non.
hamlet. — Qu’on en juge.
osrick. — Une botte, une botte très-visible.
laërtes. — Soit : recommençons.
le roi. — Attendez, qu’on me donne à boire. Hamlet, cette perle est à toi ; à ta santé ! Donnez-lui la coupe.
hamlet. — Je veux achever cette passe auparavant : mettez la coupe de côté. Allons. (Ils recommencent.) Encore une : qu’en dites-vous ?
laërtes. — Touché, touché, je l’avoue.
le roi. — Notre fils gagnera.
la reine. — Il est gros et court d’haleine [1]. Viens, Hamlet ; prends mon mouchoir, essuie ton front. La reine boit à ton succès, Hamlet.
hamlet. — Chère madame…
le roi. — Gertrude, ne bois pas.
la reine. — Je boirai, mon seigneur. Excusez-moi, je vous prie.
le roi, à part. — C’est la coupe empoisonnée ; il est trop tard.
hamlet. — Je n’ose pas boire encore, madame. Tout à l’heure.
- ↑ On croit que ces mots font allusion à l’obésité de l’acteur Burbage, fameux dans le rôle de Hamlet. L’épitaphe de Burbage dit, en effet : « On ne verra plus en lui le jeune Hamlet, quoique court d’haleine, crier vengeance pour la mort de son père bien-aimé ! » Ainsi dans, l’Avare (acte I, sc. iv), Molière fait dire par Harpagon : « Voilà un pendard de valet qui m’incommode fort, et je ne me plais point à voir ce chien de boiteux-là, » parce que Béjart le jeune, chargé du rôle de La Flèche, était boiteux.