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ACTE I, SCÈNE II.

leurs vêtements, qui les soutenaient sur l’onde, et qui sont plus frais qu’auparavant. Ensuite, comme tu me l’as ordonné, je les ai dispersés en troupes par toute l’île. J’ai mis à terre le fils du roi séparé des autres ; je l’ai laissé dans un coin sauvage de l’île, rafraîchissant l’air de ses soupirs, assis, les bras tristement croisés de cette manière.

Prospero.

Et les matelots des vaisseaux du roi, dis, qu’en as-tu fait ? Et le reste de la flotte ?

Ariel.

Le vaisseau du roi est en sûreté dans cette baie profonde où tu m’appelas une fois à minuit pour t’aller recueillir de la rosée sur les Bermudes, toujours tourmentées par la tempête : c’est là qu’il est caché. Les matelots sont couchés épars sous les écoutilles : joignant la puissance d’un charme à la fatigue qu’ils avaient endurée, je les ai laissés tous endormis. Quant au reste des vaisseaux que j’avais dispersés, ils se sont ralliés tous ; et maintenant ils voguent sur les flots de la Méditerranée, faisant voile tristement vers Naples, persuadés qu’ils ont vu s’abîmer le vaisseau du roi, et périr sa personne auguste.

Prospero.

Ariel, tu as rempli ton devoir avec exactitude ; mais tu as encore à travailler. À quel moment du jour sommes-nous ?

Ariel.

Passé l’époque du milieu.

Prospero.

De deux sables au moins. Il nous faut employer précieusement le temps qui nous reste entre ce moment et la sixième heure.

Ariel.

Encore du travail ! Puisque tu me donnes tant de fatigue, permets-moi de te rappeler ce que tu m’as promis et n’as pas encore accompli.

Prospero.

Qu’est-ce que c’est, mutin ? que peux-tu me demander ?

Ariel.

Ma liberté.

Prospero.

Avant que le temps soit expiré ? Ne m’en parle plus.

Ariel.

Je te prie, souviens-toi que je t’ai bien servi, que je ne t’ai jamais dit de mensonge, que je n’ai jamais fait de bévue, que je t’ai obéi sans humeur ni