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SUR SHAKSPEARE.

Les chroniques n’attestent pas seules le nombre et la popularité des ménestrels ; d’époque en époque la législation en fait foi. En 1315, sous Édouard II, le conseil du roi, voulant réprimer le vagabondage, défend à qui que ce soit de s’arrêter dans les maisons des prélats, comtes et barons, pour y manger et boire, « si ce n’est un ménestrel ; » encore ne pourra-t-il entrer chaque jour, dans ces maisons, « plus de trois ou quatre ménestrels d’honneur, » à moins que le propriétaire lui-même n’en admette un plus grand nombre. Chez les gens de moindre condition, les ménestrels mêmes ne pourront entrer s’ils ne sont appelés ; et ils devront se contenter alors de « manger et de boire, et de telle courtoisie » qu’il plaira au maître de la maison d’y ajouter. En 1316, pendant qu’Édouard célébrait à Westminster, avec ses pairs, la fête de la Pentecôte, une femme « parée à la manière des ménestrels, » et montée sur un grand cheval caparaçonné « selon la coutume des ménestrels, » entra dans la salle du banquet, fit le tour des tables, déposa sur celle du roi une lettre, et faisant aussitôt retourner son cheval, s’en alla en saluant la compagnie. La lettre déplut au roi, à qui elle reprochait les prodigalités répandues sur ses favoris au détriment de ses fidèles serviteurs ; on réprimanda les portiers d’avoir laissé entrer cette femme : « Ce n’est pas, répondirent-ils, la coutume de refuser jamais aux ménestrels l’entrée des maisons royales. » Sous Henri VI, on voit les ménestrels, qui se chargent d’égayer les fêtes, souvent mieux payés que les prêtres qui viennent les solenniser. À la fête de la Sainte-Croix, à Abingdon, vinrent douze prêtres et douze ménestrels ; les premiers reçurent chacun « quatre pence ; » les derniers, « deux schellings et quatre pence. » En 1441, huit

    trels se virent, par un acte du Parlement, assimilés aux mendiants et vagabonds ; mais il y eut exception en faveur de ceux que protégeait la famille Dutton, et ils continuèrent d’exercer librement leur profession et leurs privilèges, souvenir honorable du service qui les leur avait mérités.