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ÉTUDE

prêtres de Coventry, appelés au prieuré de Maxtoke pour un service annuel, eurent chacun deux schellings ; les six ménestrels qui avaient eu mission d’amuser les moines réunis au réfectoire reçurent chacun quatre schellings, et soupèrent avec le sous-prieur dans la « chambre peinte, » éclairés par huit gros flambeaux de cire, dont la dépense est portée sur les comptes du couvent.

Ainsi, partout où se célébraient des fêtes, partout où se rassemblaient des hommes, dans les couvents comme dans les foires, sur les places publiques comme dans les châteaux, les ménestrels toujours présents, répandus dans toutes les conditions de la société, charmaient, par leurs chants et leurs récits, le peuple des campagnes et les habitants des villes, les riches et les pauvres, les fermiers, les moines et les grands seigneurs. Leur arrivée était à la fois un événement et une habitude, leur intervention un luxe et un besoin ; en aucun temps, en aucun lieu, ne leur manquait l’occasion de réunir auprès d’eux une foule empressée ; la faveur publique les entourait, et le Parlement s’occupait d’eux, quelquefois pour reconnaître leurs droits, plus souvent pour réprimer les abus qu’entraînaient leur profession errante et leur nombre.

Quelles étaient donc les mœurs de ce peuple si avide de tels amusements ? quels loisirs lui permettaient de s’y livrer ? quelles occasions, quelles solennités rassemblaient si fréquemment les hommes, et offraient à ces chantres populaires une multitude disposée à les entendre ? Que, sous le ciel brillant du Midi, dispensés de lutter contre une nature rigoureuse, invités, par un air doux et un beau soleil, à vivre sur les places publiques et sous les oliviers, chargeant les esclaves des plus pénibles travaux, étrangers à l’empire des habitudes domestiques, les Grecs se soient empressés autour de leurs rhapsodes, et plus tard, dans leurs théâtres ouverts, pour livrer leur imagination aux charmes des récits naïfs ou des pathé-