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CORIOLAN.

fautes que nous avions à lui reprocher auparavant pouvaient, je pense, aisément s’oublier ; mais de finir par où il aurait dû commencer, sacrifier tout le fruit de nos préparatifs de guerre, en faire retomber tout le fardeau sur nous-mêmes en signant un traité avec Rome, lorsque Rome se rendait à nous, c’est un crime qui n’admet aucune excuse.

aufidius.—Il approche : vous allez l’entendre.

(Coriolan paraît, marchant au milieu des instruments de guerre et des drapeaux ; le peuple le suit en foule.)

coriolan.—Salut, seigneurs : je reviens votre soldat, et je rapporte un cœur qui n’est pas plus entaché de l’amour de mon pays, qu’il ne l’était lorsque je suis sorti de cette ville. Je vous suis toujours dévoué, et tout prêt à suivre vos ordres. Vous devez savoir que j’ai commencé notre expédition avec succès : et que j’ai conduit vos armées par une route sanglante jusqu’aux portes de Rome. Les dépouilles que nous rapportons dans cette ville surpassent d’un tiers les dépenses de l’armement. Nous avons fait une paix aussi honorable pour Antium qu’elle est ignominieuse pour Rome. Nous vous en présentons ici le traité, et les articles, signés des consuls et des patriciens, et scellés du sceau du sénat.

aufidius.—Ne lisez pas, nobles sénateurs : mais dites au traître qu’il a abusé à l’excès des pouvoirs que vous lui aviez confiés.

coriolan.—Traître ! Comment donc ?

aufidius.—Oui, traître ! Marcius !

coriolan.—Marcius !

aufidius.—Oui, Marcius, Caïus Marcius. Espères-tu que je te ferai l’honneur de te décorer du surnom de Coriolan, que tu as volé dans Corioles ? Entendez ma voix, vous, sénateurs ; vous, chefs de cet État : il a trahi lâchement vos intérêts, et cédé pour quelques gouttes d’eau Rome qui était à vous. Oui, Rome était à vous, il l’a lâchement cédée à sa femme et à sa mère. Il a violé ses serments, et rompu la trame de ses desseins aussi faci-