Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/7

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ÉTUDE

SUR

SHAKSPEARE

C’est Voltaire qui, le premier, a parlé en France du génie de Shakspeare, et bien qu’il le traitât de barbare, le public français trouva que Voltaire en avait trop dit. On eût cru commettre une sorte de profanation en appliquant, à des drames qu’on jugeait informes et grossiers, les mots de génie et de gloire.

Maintenant ce n’est plus de la gloire ni du génie de Shakspeare qu’il s’agit ; personne ne les conteste ; une plus grande question s’est élevée. On se demande si le système dramatique de Shakspeare ne vaut pas mieux que celui de Voltaire.

Je ne juge point cette question. Je dis qu’elle est posée et se débat aujourd’hui. Là nous a conduits le cours des idées. J’essayerai d’en indiquer les causes ; je n’insiste en ce moment que sur le fait même, et pour en tirer une seule conséquence ; c’est que la critique littéraire a changé de terrain et ne saurait demeurer dans les limites où elle se renfermait jadis.

La littérature n’échappe point aux révolutions de l’esprit humain ; elle est contrainte de le suivre dans sa marche, de se transporter sous l’horizon où il se transporte, de s’élever et de s’étendre avec les idées qui le préoccupent, de considérer les questions qu’elle agite