Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/229

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plus que dans son caractère. Macbeth, placé plus loin des espérances du trône, fût demeuré vertueux, et sa vertu eût été inquiète, car elle eût été seulement le fruit de la circonstance ; son crime devient pour lui un supplice, parce que c’est la circonstance qui le lui a fuit commettre : ce crime n’est pas sorti du fond de la nature de Macbeth ; et cependant il s’attache à lui, l’enveloppe, l’enchaîne, le déchire de toutes parts, et lui crée ainsi une destinée tourmentée et irrémissible, où le malheureux s’agite vainement, ne faisant rien qui ne l’enfonce toujours davantage, et avec plus de désespoir, dans la carrière que lui prescrit désormais son implacable persécuteur. Macbeth est un de ces caractères marqués dans toutes les superstitions pour devenir la proie et l’instrument de l’esprit pervers, qui prend plaisir à les perdre parce qu’ils ont reçu quelque étincelle de la nature divine, et qui en même temps n’y rencontre que peu de difficultés, car cette lumière céleste ne lance en eux que des rayons passagers, à chaque instant obscurcis par des orages.

Lady Macbeth est bien précisément la femme d’un tel homme, le produit d’un même état de civilisation, d’une même habitude de passions. Elle y joint de plus d’être une femme, c’est-à-dire sans prévoyance, sans généralité dans les vues, n’apercevant à la fois qu’une seule partie d’une seule idée, et s’y livrant tout entière sans jamais admettre ce qui pourrait l’en distraire et l’y troubler. Les sentiments qui appartiennent à son sexe ne lui sont point étrangers : elle aime son mari, connaît les joies d’une mère, et n’a pu tuer elle-même Duncan, parce qu’il ressemblait à son père endormi ; mais elle veut être reine. Il faut pour cela que Duncan périsse ; elle ne voit dans la mort de Duncan que le plaisir d’être reine ; son courage est facile, car elle n’aperçoit pas ce qui pourrait la faire reculer. Lorsque la passion sera satisfaite et l’action commise, alors seulement les autres conséquences lui en seront révélées comme une nouveauté dont elle n’avait pas eu la plus légère prévision. Ces craintes, cette nécessité de nouveaux forfaits, que son mari avait entrevus d’avance, elle n’y avait jamais songé. Elle voulait bien rejeter le crime sur les deux chambellans ; mais ce n’est pas elle qui songe à les tuer ; ce n’est pas elle qui prépare le meurtre de Banquo, le massacre de la famille de Macduff. Elle n’a pas vu si loin ; elle n’avait pas même deviné, en entrant dans la chambre de Duncan égorgé, l’effet que produirait sur elle un pareil spectacle. Elle en sort troublée, ne dédaignant plus les terreurs de son mari, mais l’engageant seulement à ne se pas trop arrêter sur des images, dont on voit qu’elle commence à se sentir elle-même obsédée. Le coup est porté et se révélera dans l’admirable