Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/335

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prendra que vous êtes de retour. — Nous lui enverrons des gens qui vanteront votre supériorité — et mettront un double vernis à la renommée — que ce Français vous a faite ; enfin, nous vous mettrons face à face, — et nous ferons des paris sur vos têtes. Lui, qui est confiant, — très-généreux et dénué de tout calcul, — n’examinera pas les fleurets : vous pourrez donc aisément, — avec un peu de prestesse, choisir — une épée non mouchetée, et, par une passe à vous connue, — venger sur lui votre père.
LAERTES.

Je ferai cela. — Et, dans ce dessein, j’empoisonnerai mon épée. — J’ai acheté à un charlatan une drogue — si meurtrière que, pour peu qu’on y trempe un couteau, — une fois que le sang a coulé, le cataplasme le plus rare, — composé de tous les simples qui ont quelque vertu — sous la lune, ne pourrait pas sauver de la mort l’être — le plus légèrement égratigné. Je tremperai ma pointe — dans ce poison ; et pour peu que je l’écorche, — c’est la mort.

LE ROI.

Réfléchissons-y encore ; — pesons bien, et quant au temps et quant aux moyens, ce qui peut — nous mener à nos fins. Si ce coup devait manquer, — et qu’une mauvaise exécution laissât voir notre dessein, — mieux vaudrait n’avoir rien tenté. Il faut donc — que nous ayons un projet de rechange qui puisse servir — au cas où le premier ferait long feu. Doucement ! Voyons ! — Nous établirons un pari solennel sur les coups portés : — j’y suis ! — quand l’exercice vous aura échauffés et altérés, — et dans ce but vous ferez vos attaques les plus violentes, — il demandera à boire, j’aurai préparé — un calice tout exprès : une gorgée seulement, et, — si, par hasard, il a échappé à votre lame empoisonnée,