Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/45

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Ce Roi magnanime ayant défié au combat, corps à corps, Horwendille, y fut reçu avec pactes que celui qui serait vaincu perdrait toutes les richesses qui seraient en leurs vaisseaux, et le vainqueur ferait enterrer honnêtement celui qui serait occis au combat, car la mort était le prix et salaire de celui qui perdrait la bataille. Que sert de discourir ? Le Roi (quoique vaillant, courageux et adextre fût-il) enfin fut vaincu et occis par le Danois, lequel lui fit dresser tout soudain un tombeau et lui fit des obsèques dignes d’un roi, suivant les façons de faire et superstitions de leur siècle et selon l’accord du combat, dépouillant la suite du Roi de leurs richesses, ayant fait mourir une sœur du roi défunt, fort gaillarde et vaillante guerrière, et ayant couru toute la côte de Norwége et jusqu’aux îles septentrionales, il s’en revint chargé d’honneur et de richesses, envoyant à son souverain, le roi Rorique, la plupart du butin et des dépouilles, afin de le gagner et qu’étant si brave, il pût tenir le lieu des plus favoris de Sa Majesté. Le roi, alléché de ces présents, et s’estimant heureux d’avoir un tel homme de bien pour sujet, tâcha avec une honnêteté de le rendre à jamais obligé, car il lui donna pour femme Geruthe sa fille, de laquelle il savait ce seigneur être fort amoureux, et voulut lui-même la conduire, pour plus l’honorer, jusqu’en Jutland, où les noces furent célébrées selon la façon ancienne : et pour trousser brièvement matière, de ce mariage sortit Amleth, duquel je prétends parler et pour lequel j’ai desseigné le discours de l’histoire présente.

» Fengon, frère de ce gendre royal, poussé d’un esprit d’envie, crevant de dépit en son cœur, tant pour la grande réputation acquise par Horwendille au maniement des armes, que sollicité d’une sotte jalousie, le voyant honoré de l’alliance et amitié royale, craignant d’être dépossédé de sa part du gouvernement, ou plutôt désirant