Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/80

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terre la même mission qu’Hamlet. Comme le père d’Hamlet, le père de Laertes a été assassiné ; comme Hamlet, Laertes doit donc venger son père. Les deux fils ont désormais la même cause à faire triompher, et c’est ce qu’Hamlet lui-même nous explique lorsque, parlant de Laertes à Horatio, il lui dit : Dans ma propre cause je vois l’image de la sienne.

By the image of my cause I see
The portraiture of his.

L’intérêt se complique. Comment tout cela va-t-il finir ? Hamlet ne peut venger son père qu’en tuant Claudius. Laertes ne peut venger son père qu’en tuant Hamlet.

Le meurtre de l’ancien roi avait fait d’Hamlet l’antagoniste de Claudius ; le meurtre du vieux conseiller fait de Laertes l’antagoniste d’Hamlet.

Et, pour que cet antagonisme fût plus frappant, Shakespeare a voulu qu’Hamlet et Laertes fussent deux hommes tout différents. Autant Hamlet est rêveur, irrésolu, scrupuleux, autant Laertes est passionné, décidé, violent. Autant ces deux hommes sont différents au moral, autant ils le sont au physique. Hamlet est petit et délicat ; il est gras et il a l’haleine courte. Laertes est grand, élancé, vigoureux : il est, comme dit Osric, d’un extérieur imposant, of great showing.

La différence entre les deux natures produit nécessairement la différence entre les deux conduites.

Vous avez vu les hésitations d’Hamlet lorsqu’il s’agit de punir l’assassin de son père. La révélation faite par le spectre ne lui a pas suffi. Il lui a fallu une preuve directe : il a voulu que le meurtrier s’accusât lui-même par l’émotion que lui causerait son crime mis en scène. Cette preuve obtenue, voici une occasion qui se présente : Hamlet voit l’assassin, seul, dans une chambre, à ge-