Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

noux, le dos tourné. Il peut le frapper. Il ne le frappe pas, pourquoi ? parce que le meurtrier prie et irait au ciel !

Voyons maintenant Laertes à l’œuvre. Ah ! pour venger son père, celui-là n’a pas de pareilles délicatesses : « Aux enfers l’allégeance ! au plus noir démon la foi jurée ! au plus profond abîme la courtoisie et la grâce ! » Laertes ose la damnation : pour punir le meurtrier, il est prêt à tout, même à lui couper la gorge à l’église !

Aussi, quand il est de retour en Danemark, regardez avec quelle promptitude il agit. Le roi est soupçonné du meurtre de son père ; c’est assez pour Laertes. Il soulève une insurrection, il ameute le peuple, il enfonce les portes du palais, et il fait Claudius prisonnier. Heureusement pour lui, Claudius s’explique : il prouve qu’il est innocent et que le coupable est Hamlet. Désormais Laertes n’a plus qu’une idée : se trouver face à face avec Hamlet. Comme son cœur saute de joie quand il apprend que le prince est revenu d’Angleterre ! celui-ci vit donc encore pour que Laertes lui dise : Voilà ce que tu as fait !

Alors a lieu la scène étonnante du cimetière. Les deux jeunes gens se retrouvent devant le cadavre d’Ophélia, la sœur de l’un, la maîtresse de l’autre. La douleur du frère et la douleur de l’amant s’insultent et se prennent aux cheveux. L’un et l’autre sautent dans la fosse, et Laertes, qui est le plus fort, étranglerait Hamlet, si l’on n’arrêtait au plus vite cette rixe des deux désespoirs.

Mais, Laertes l’a juré, entre Hamlet et lui, c’est un combat à mort, et ce combat n’est qu’ajourné. L’assaut que Laertes attend avec tant d’impatience, et qui pour Hamlet n’est qu’une joute à armes courtoises, a enfin lieu. Hamlet n’a à la main qu’un fleuret : Laertes tient une lame démouchetée et empoisonnée ; et, si par hasard Laertes ne touchait pas Hamlet, voici une coupe empoi-