Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
grand ascendant sur la tendre jeunesse. — À force de ruse tu as volé le cœur de ma fille, — et changé l’obéissance qu’elle me doit — en indocilité revêche. Maintenant, mon gracieux duc, — si par hasard elle osait devant votre grâce — refuser d’épouser Démétrius, — je réclame l’ancien privilége d’Athènes. — Comme elle est à moi, je puis disposer d’elle : — or, je la donne soit à ce gentilhomme, — soit à la mort, en vertu de notre loi — qui a prévu formellement ce cas.
THÉSÉE.

— Que dites-vous, Hermia ? Réfléchissez, jolie fille : — pour vous votre père doit être comme un dieu ; — c’est lui qui a créé votre beauté : oui, — pour lui vous n’êtes qu’une image de cire — pétrie par lui et dont il peut — à son gré maintenir ou détruire la forme. — Démétrius est un parfait gentilhomme.

HERMIA.

— Et Lysandre aussi.

THÉSÉE.

Oui, parfait en lui-même. — Mais, sous ce rapport, comme il n’a pas l’agrément de votre père, — l’autre doit être regardé comme le plus parfait.

HERMIA.

— Je voudrais seulement que mon père vît par mes yeux.

THÉSÉE.

— C’est plutôt à vos yeux de voir par le jugement de votre père.

HERMIA.

— Je supplie votre grâce de me pardonner. — J’ignore quelle puissance m’enhardit, — ou combien ma modestie se compromet — à déclarer mes sentiments devant un tel auditoire. — Mais je conjure votre grâce de me faire connaître — ce qui peut m’arriver de pire dans le cas — où je refuserais d’épouser Démétrius.