Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/199

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mon esprit — dans cette science qui, si elle était moins abstruse, — serait plus appréciée que tous les biens populaires, j’éveillai dans mon déloyal frère — un mauvais instinct. Ma confiance, — trop bonne mère, enfanta de lui — une perfidie, aussi grande par contraste — que l’était ma confiance même, confiance illimitée, — foi sans bornes… Disposant ainsi — non-seulement de ce que mon revenu rapportait, — mais de ce que mon autorité pouvait exiger, il devint comme quelqu’un qui, à force d’affirmer une fable, — a rendu sa mémoire pécheresse au point — de croire à son propre mensonge : il se persuada — qu’il était le duc, par droit de substitution, — et que, visible image de la royauté, — il en avait toutes les prérogatives. Par là son ambition — croissant… Tu entends ?
MIRANDA.

Votre récit, monsieur, guérirait la surdité.

PROSPERO.

— Pour qu’il n’y ait plus de distinction entre le rôle qu’il joue — et le personnage même dont il joue le rôle, il faut qu’Antonio soit — maître absolu de Milan. Pour moi, pauvre homme, ma bibliothèque — est un duché assez vaste. À l’en croire, je ne suis pas fait — pour les royautés de ce monde. Il se ligue — (tant il est altéré de pouvoir !) avec le roi de Naples, — il consent à lui payer un tribut annuel, à lui faire hommage ! — Il soumet son diadème à cette couronne, et abaisse — le duché inflexible jusque-là (hélas ! pauvre Milan !) — à la plus ignoble révérence !

MIRANDA.

Ô ciel !

PROSPERO.

— Remarque les conditions de cette ligue et le résultat, et dis-moi — si ce pouvait être un frère.

MIRANDA.

Je pécherais — si je n’avais une noble opinion de ma