Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/215

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PROSPERO.

Quoi ! mon talon — serait mon chef !… Relève ton épée. — Tu fais mine de frapper, mais tu n’oses pas, tant ta conscience — est obsédée de remords ! Ne reste pas en garde, — car je puis te désarmer avec ce bâton-ci, — et faire tomber ton arme.

MIRANDA.

Je vous supplie, mon père !

PROSPERO.

— Arrière ! ne te pends pas à mes vêtements.

MIRANDA.

Monsieur, ayez pitié ! — Je serai sa caution !

PROSPERO.

Silence ! un mot de plus — t’attire ma colère, sinon ma haine. Quoi ! — ce plaidoyer pour un imposteur ! Chut ! — Tu crois qu’il n’y a plus d’êtres faits comme lui, — n’ayant vu que lui et Caliban. Folle fille ! — C’est un Caliban près de la plupart des hommes, — et près de lui ce sont des anges !

MIRANDA.

Mes affections — sont alors des plus humbles. Je n’ai pas l’ambition — de voir un homme plus beau.

PROSPERO, à Ferdinand.

Allons, obéis ! — tes nerfs sont redevenus ceux de l’enfance — et n’ont plus de vigueur.

FERDINAND.

C’est vrai ! — Mes esprits sont tous enchaînés comme dans un rêve. — La perte de mon père, la faiblesse que je ressens, — le naufrage de tous mes amis, les menaces de cet homme, — à qui je suis asservi, seraient pour moi chose légère, — si je pouvais seulement, une fois par jour, de ma prison, — contempler cette vierge. Que la liberté dispose alors — de tous les autres coins de la terre ! J’aurais assez de place, moi, — dans ma prison.