Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/266

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raient la musique ; je les ai si bien charmés — qu’ils ont suivi mon concert comme des veaux, à travers — les ronces mordantes, les genêts pointus, les broussailles piquantes, et les épines — qui entraient dans leurs frêles jarrets ; enfin, je les ai laissés — dans la sale mare bourbeuse, derrière ta grotte, — pataugeant jusqu’au menton pour dégager leurs pieds — empuantés par l’affreux lac.
PROSPERO.

Tu as fort bien fait, mon oiseau. — Garde toujours ta forme invisible, — et va me chercher tout ce qu’il y a d’oripeaux chez moi. — J’en ferai une amorce pour attraper ces voleurs.

ARIEL.

J’y vais, j’y vais.

Il sort.
PROSPERO.

— C’est un démon, un démon incarné sur qui — jamais l’éducation ne prendra, et avec qui — toute mon humanité est peine perdue, oui, peine perdue. — Autant son corps enlaidit avec l’âge, — autant son âme se gangrène. Je veux les châtier tous — jusqu’à les faire rugir.

Ariel rentre chargé de défroques éclatantes.

Viens, pends tout à cette corde.

Prospero et Ariel restent en scène, invisibles.
Entrent Caliban, Stephano et Trinculo, tout trempés.
CALIBAN.

— Je vous en prie, marchez doucement, que l’aveugle taupe ne puisse — entendre le bruit d’un pas ! Nous voici près de sa grotte. —

STEPHANO.

Monstre, votre sylphe, que vous nous disiez être un sylphe inoffensif, nous a bernés comme un feu follet.