— Vous considérez trop cruellement la douleur.
— Il me parle, lui, qui n’a jamais eu de fils !
— Vous raffolez autant de votre douleur que de votre enfant.
— La douleur occupe la place de mon fils absent ; — elle couche dans son lit ; elle va et vient avec moi ; — elle prend ses jolis airs, me répète ses mots, — me rappelle toutes ses grâces — et habille ses vêtements vides de sa forme. — J’ai donc bien raison de raffoler de la douleur ! — Adieu ; si vous aviez fait la même perte que moi, — je vous consolerais mieux que vous ne le faites.
— Je ne veux pas garder cette parure sur ma tête, — quand il y a un tel désordre dans mon esprit. — Seigneur ! mon fils, mon Arthur, mon bel enfant ! — Ma vie ! ma joie ! ma nourriture ! mon univers ! — soutien de mon veuvage ! remède de ma douleur !
— Je crains quelque acte de désespoir, et je vais la suivre.
— Il n’est rien dans ce monde qui puisse me faire une joie. — La vie m’est fastidieuse comme un conte deux fois dit, — dont on assomme l’oreille déjà sourde d’un homme assoupi. — L’amertume de la honte m’a tellement gâté le goût des douces choses, — qu’elles ne renferment pour moi que honte et qu’amertume.