Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/287

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SCÈNE I.
[Londres. Une place.]
Entre Richard.
RICHARD.

— Donc, voici l’hiver de notre déplaisir — changé en glorieux été par ce soleil d’York ; — voici tous les nuages qui pesaient sur notre maison — ensevelis dans le sein profond de l’Océan ! — Donc, voici nos tempes ceintes de victorieuses guirlandes, — nos armes ébréchées pendues en trophée, — nos alarmes sinistres changées en gaies réunions, — nos marches terribles en délicieuses mesures ! — La guerre au hideux visage a déridé son front, — et désormais, au lieu de monter des coursiers caparaçonnés — pour effrayer les âmes des ennemis tremblants, — elle gambade allègrement dans la chambre d’une femme — sous le charme lascif du luth. — Mais moi qui ne suis pas formé pour ces jeux folâtres, — ni pour faire les yeux doux à un miroir amoureux, — moi qui suis rudement taillé et qui n’ai pas la majesté de l’amour — pour me pavaner devant une nymphe aux coquettes allures, — moi en qui est tronquée toute noble proportion, — moi que la nature décevante a frustré de ses attraits, — moi qu’elle a envoyé avant le temps — dans le monde des vivants, difforme, inachevé, — tout au plus à moitié fini, — tellement estropié et contrefait — que les