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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/232

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BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN.

CLAUDIO.

Oh ! monseigneur, — quand nous sommes partis pour la guerre qui vient de finir, — je regardais Héro avec l’œil d’un soldat, — déjà tendre, mais ayant sur les bras une trop rude tâche — pour élever cette tendresse jusqu’au titre d’amour. — Mais maintenant que je suis de retour et que — les pensées belliqueuses ont laissé leur place vide, une foule — de désirs doux et délicats viennent s’y substituer, — tous me rappelant la beauté de la jeune Héro — et me parlant de ma tendresse pour elle avant notre départ pour la guerre.

DON PEDRO.

— Tu vas être bien vite un parfait amoureux, — car déjà tu fatigues ton confident d’un volume de mots. — Si tu aimes la belle Héro, eh bien, fais ta cour ; — je m’en expliquerai avec elle et avec son père, — et tu l’obtiendras. N’est-ce pas pour en arriver là — que tu as commencé à me dévider cette superbe histoire ?

CLAUDIO.

— Quel doux remède vous prescrivez à l’amour, — après avoir reconnu son mal à première vue ! — C’est de peur que mon affection ne vous parût trop soudaine, — que j’y appliquais le palliatif d’une longue conversation.

DON PEDRO.

— Quel besoin y a-t-il que le pont soit plus large que la rivière ? — Le nécessaire est toujours la plus juste des concessions. — Écoute. Tout ce qui va au but est bon. Une fois pour toutes, tu aimes ; — eh bien, je vais préparer pour toi le vrai remède. — Je sais qu’on nous donne une fête cette nuit : — je jouerai ton rôle sous un déguisement, — et je dirai à la belle Héro que je suis Claudio. — Je dégraferai mon cœur dans son sein ; — et je tiendrai son oreille captive par la force — et par le charme surprenant de mon amoureux récit. — Ensuite, je m’explique-