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SCÈNE IV.
a pas est moins qu’un homme. Or, celui qui est plus qu’un jouvenceau n’est pas pour moi ; et celui qui est moins qu’un homme, je ne suis pas pour lui. Aussi je consens à prendre pour douze sols toute la ménagerie des barbus, et à conduire tous ces singes-là en enfer.
LÉONATO.

Eh bien, tu iras donc en enfer.

BÉATRICE.

Non, seulement jusqu’à la porte ! Là le diable viendra au-devant de moi avec des cornes sur la tête, comme un vieux cocu qu’il est, et il me dira : Allez au ciel, Béatrice, allez au ciel, il n’y a pas de place ici pour vous autres vierges. Sur ce, je lui remets mes singes, et je pars pour le ciel ! Saint Pierre m’indique où demeurent les célibataires, et nous vivons là aussi gais que le jour est long.

ANTONIO, à Héro.

Eh bien, ma nièce, j’espère que vous, du moins, vous vous laisserez diriger par votre père.

BÉATRICE.

Oui, certes, c’est le devoir de ma cousine de faire la révérence, en disant : Comme il vous plaira, mon père !… Mais néanmoins, cousine, que ce soit un beau garçon ! Sinon, faites une autre révérence et dites : Mon père, comme il me plaira…

LÉONATO, à Béatrice.

Allons, ma nièce, j’espère bien vous voir un jour pourvue d’un mari.

BÉATRICE.

Non, pas avant que Dieu ait fait les hommes d’un autre métal que la terre. N’est-il pas affligeant pour une femme d’être écrasée par un tas d’insolente poussière ? de rendre compte de sa vie à une motte de méchante marne ? Non, mon oncle, je n’y consens pas. Les fils