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LE CONTE D’HIVER.
— ne se trouvent pas dans notre rustique jardin, et je ne me soucie pas — d’en avoir des boutures.
POLIXÈNE.

Et pourquoi donc, douce fille, — les dédaignez-vous ?

PERDITA.

Parce que j’ai ouï dire — qu’il est un art qui, pour les varier, se joint — à la grande créatrice nature.

POLIXÈNE.

Quand cela serait, — la nature n’est jamais perfectionnée que par les moyens — que crée la nature : en sorte que l’art — qui, dites-vous, ajoute à la nature, est un art — qui procède de la nature. Ainsi vous voyez, suave fille, que nous marions — au tronc le plus sauvage une plus délicate greffe, — et que nous fécondons une écorce de la plus basse espèce — par un bourgeon de plus noble race. C’est bien un art — qui corrige, ou plutôt modifie la nature, — mais l’art lui-même est la nature.

PERDITA.

C’est juste.

POLIXÈNE.

— Enrichissez donc votre jardin de giroflées, — et ne les traitez pas de bâtardes.

PERDITA.

Je ne veux pas mettre — le plantoir en terre pour en faire une seule bouture, — pas plus que je ne souhaiterais, si j’étais fardée, — que ce jeune homme m’admirât et fut pris par cela seul — du désir de me rendre mère… Voici des fleurs pour vous : — la chaude lavande, la menthe, la sarriette, la marjolaine ; — le souci qui se couche avec le soleil, — et avec lui se lève tout en pleurs : ce sont des fleurs — de la mi-été, et je crois qu’on les donne — aux hommes d’âge moyen… Vous êtes les très-bienvenus.