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APPENDICE.

délié de tous liens, en sa pure franche volonté et liberté !… Advint donc, comme Troylus s’allait moquant puis de l’un, puis de l’autre, puis celle-ci, puis celle-là regardant, que d’aventure par entre les gens son œil transperça et joignit jusque-là où était la plaisante Brisaïda. Elle était grande femme ; selon sa grandesse tous membres bien lui répondaient. Elle avait son visage orné de droite manière ; sa manière était douce, entre-mêlée de fierté. Elle haussa les bras et se découvrit un peu le beau visage en ouvrant son manteau de deuil qu’elle avait au-devant, et fit une façon de faire comme dire : « Las ! je suis trop empressée. » Cette manière qu’elle fit, en se tournant comme si elle fût ennuyée, plut fort à Troylus, car il semblait qu’elle voulait dire : « Je ne peux plus durer. » Et depuis il se met à la regarder de plus en plus, et bien lui semblait qu’elle était digne d’être louée sur toutes les autres. Et tant la regarda comme durèrent les sacrifices et honneurs faits à la déesse Pallas et que la fête fut achevée. Puis s’en issit hors du temple avec ses compagnons. Il ne s’en saillit pas franc et joyeux ainsi qu’il y était entré, mais morne et pensif… Tous autres pensements de lui s’étaient fuis, ni ne lui challait de la guerre ni de sa salvation. Et avait l’entendement empêché qu’il ne lui challait plus de rien, si non à entendre à sa serve amoureuse. Hélas ! il y mettait tout son plaisir, sa pensée et son entendement !…

Ainsi étant Troylus un jour seulet en sa chambre tout pensif, il y survint un gentil Troyen de haut lignage et moult courageux, nommé Pandaro[1], lequel, le voyant gésir sur son lit étendu et plein de larmes, lui dit : — Qu’est ceci, Monseigneur et mon ami ? Vous a déjà mis

  1. Pandarus.