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APPENDICE.

tendrement. Troylus se leva contre son plaisir ; mais toutefois s’habilla le plus diligemment qu’il put, et après plusieurs paroles disait : « Je fais votre volonté et m’en vais ; et adieu ma joie ; ayez pour recommandé mon pauvre cœur, lequel je vous laisse. » Elle cuida répondre, mais elle ne put, pourceque la voix lui faillait, de la grande détresse qu’elle sentait pour leur département ; puis Troylus tout doucement s’en alla au palais…

La très-légère et courante renommée, laquelle tout rapporte et mensonge et vérité, était prestement volée par toute Troie et disait comment l’ambassade des Grecs était venue pour requérir Brisaïda et bailler Anthénor au lieu d’elle, et comment Pryam, le roi et les seigneurs troyens l’avaient consenti : laquelle nouvelle comme Brisaïda ouit, qui déjà avait oublié tout le deuil de son père Calcas, dit en elle-même : « Hélas ! triste cœur, que feras-tu ? » Et se commença fort à mérancollier comme celle qui avait son cœur à Troylus. Tant comme elle faisait ses lamentations, Pandaro arriva, à qui l’huis jamais ne se trouva fermé, et s’en entra en la chambre là où elle faisait ses piteuses plaintes, et il la trouva sur son lit toute enveloppée, et de force de pleurs et de soupirs, elle avait le visage, toute la poitrine baignée de larmes, et ses yeux gros et rouges, avec les cheveux répandus qui montraient vrai enseigne de son âpre martyre. Et comme elle le vit, elle mussa son visage dessous un de ses bras, de honte qu’elle eut. Lors Pandaro commença à dire : « Cousine, m’amie, je crois que vous avez ouï dire comment vous êtes requise de votre père, et la conclusion que le roi a prise de vous rendre, si que vous en devez aller cette semaine. Et pensez que cette chose-ci est si dure à Troylus qu’il ne serait pas en puissance d’homme de le savoir dire. Car de tout en tout il se veut laisser mourir de deuil, et avons aujourd’hui