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PANDOSTO OU LE TRIOMPHE DU TEMPS.

allégeance ; il ne voyait donc aucune raison pour que Pandosto en voulût à sa vie, et soupçonnait que c’était quelque machination des Bohémiens pour le brouiller avec le roi. Franion, l’arrêtant au milieu de son discours, répondit que sa majesté se méprenait sur ses intentions, puisqu’il avait pour but d’empêcher la trahison, et non d’être traître ; que, comme preuve de sa sincérité, si sa majesté voulait se retirer en Sicile pour sauvegarder sa vie, il s’offrait à l’accompagner… Entendant la protestation solennelle de Franion, Egistus commença à réfléchir que les monarchies sont sans foi ni loi comme l’amour, et à soupçonner que Pandosto cherchait à ruiner ses sujets par la mort et à envahir la Sicile à la tête d’une rapide expédition. Tous ces doutes bien pesés, il remercia fort Franion et lui promit de le créer duc en Sicile, s’il pouvait retourner sain et sauf à Syracuse… La Fortune, quoique aveugle, favorisa cette juste cause en leur envoyant un bon vent au bout de six jours ; Franion, voulant profiter du moment et éloigner les soupçons de Pandosto, alla le trouver la nuit, la veille du jour fixé pour le départ, et lui promit que le lendemain il accomplirait la volonté du roi, car il s’était procuré un poison si terrible que sa seule odeur causait une mort soudaine. Pandosto fut joyeux d’entendre cette bonne nouvelle, mais il fut déçu dans son espoir de vengeance. Car Egistus, craignant que le retard ne produisit un danger, plia bagage, et, aidé de Franion, sortit avec ses gens par une poterne de la cité, si secrètement et si promptement que tous arrivèrent au bord de la mer et s’embarquèrent, prenant congé de la Bohême avec force amères imprécation. Tandis qu’ils voguaient paisiblement sur les flots, grand était l’émoi de Pandosto et de ses sujets.

Le roi s’imagina que Franion et sa femme Bellaria