Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/551

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
547
PANDOSTO OU LE TRIOMPHE DU TEMPS.

cour avec toute la courtoisie due à son rang. En dépit de son âge, Pandosto commençait à être quelque peu chatouillé par la beauté de Fawnia. Bien qu’il cherchât par raison et par sagesse à maîtriser cette affection frénétique, il ne pouvait plus prendre de repos. Un jour, se promenant dans un parc qui touchait à son palais, il envoya chercher Fawnia et lui dit ces paroles : — Fawnia, j’admire ta beauté et ton esprit, et je prends en pitié ta détresse ; si tu veux renoncer à messire Méléagrus dont la pauvreté est incapable de soutenir un train en rapport avec ta beauté, et si tu veux accorder tes faveurs à Pandosto, je te comblerai d’honneurs et de richesses. — Non, seigneur, répondit Fawnia, Méléagrus est un chevalier qui a obtenu mon amour, et nul autre ne me possédera ; j’aimerais mieux être la femme de Méléagrus et mendiante, que de vivre dans l’abondance, concubine de Pandosto. » Malgré la réponse décidée de Fawnia, Pandosto continua de la presser avec la plus vive ardeur, cherchant par de grandes promesses à escalader le fort de sa chasteté, et jurant que si elle cédait à ses désirs, Méléagrus serait non-seulement mis en liberté, mais honoré à la cour parmi ses nobles. Mais ces appâts séduisants ne purent arracher son cœur à l’amour de son cher fiancé Méléagrus ; ce que voyant, Pandosto la laissa pour le moment réfléchir de nouveau à la demande qu’il lui avait faite… Mais, grillé par le feu d’une convoitise illégitime, il ne pouvait prendre de repos ; il sentait son âme sans cesse troublée par ce nouvel amour, et les nobles s’étonnaient fort de cette soudaine altération, ne pouvant deviner la cause de son anxiété continuelle. Pandosto, à qui chaque heure semblait une année jusqu’à ce qu’il eut de nouveau parlé à Fawnia, l’envoya chercher secrètement et, malgré la répugnance de Fawnia, la fit entrer dans sa chambre. — Fawnia, lui