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INTRODUCTION.

s’appelle Euriante, la comtesse de Poitiers, Jehanne, Ginevra, Denise ou Imogène, il s’agit toujours d’une épouse calomniée. Certes, c’est une étude intéressante et curieuse que celle de ces transformations successives de l’idée qui a inspiré le ravissant drame de Cymbeline. Pour mener à fin cette étude, il faut que le critique s’arme de la patience de l’archéologue ; il faut qu’il fouille les bibliothèques, qu’il compulse les archives du moyen âge et qu’il déchiffre les manuscrits gothiques. Mais les peines que le critique se donne sont amplement compensées par les jouissances intellectuelles qu’il éprouve et qu’il fait éprouver à d’autres. D’ailleurs, si ardue que soit une tâche, elle reste attrayante du moment qu’elle donne à celui qui s’en acquitte la satisfaction d’un devoir accompli. Or, cette étude des origines de Cymbeline, nous la devons, non pas seulement à la gloire de Shakespeare, dont le génie ressortira par la comparaison, mais à la mémoire de nos vieux romanciers, de ces conteurs, de ces trouvères, de ces ménestrels français, qui, par leurs essais naïfs, ont préparé l’œuvre du poëte anglais, et que l’injuste arrêt de Boileau a trop longtemps condamnés à l’oubli.

Le Roman de la Violette place l’action sous le règne d’un certain Louis de France qui peut être, à votre gré, Louis le Débonnaire, Louis le Gros ou Louis le Lion. Un jour de Pâques, en avril, le roi tient sa cour à Pont-de-l’Arche en Normandie. Tous les grands vassaux de la couronne, ducs, comtes et barons sont réunis :

Puis ce di que Noës fit l’arche
Ne fut cours où tant eu gens.

Le roi invite ses convives à lui donner un petit concert de musique vocale. On entend successivement chanter madame Nicolle, comtesse de Besançon, puis une sœur