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CYMBELINE ET OTHELLO.
LUI.

Ô Bell, pourquoi gonailler et te moquer ?
Tu sais que mon manteau est bien mince ;
Il est si râpé et si usé
Que les vers n’y peuvent plus courir.
Je suis las de prêter et d’emprunter ;
Une fois encore je veux m’habiller de neuf ;
Demain j’irai à la ville et je dépenserai,
Car je veux mettre un manteau neuf.

ELLE.

La vache Crumbocke est une bien bonne vache,
Elle a toujours été fidèle au pieu ;
Elle nous a fourni du beurre et du fromage
Et ne nous laissera manquer de rien.
J’aurais peine à la voir souffrir ;
Cher mari, prends conseil de moi.
Ce n’est pas à nous à aller si beaux.
Homme, prends ton vieux manteau sur toi.

LUI.

Mon manteau était un bien bon manteau,
Il a toujours été fidèle à l’user,
Mais maintenant il ne vaut pas un liard ;
Je l’ai porté vingt-quatre ans.
Jadis il était de drap très-dru ;
À présent, comme vous pouvez voir, c’est un tamis
Qui laisse passer le vent et la pluie,
Et je veux mettre un manteau neuf.

ELLE.

Il y a vingt-quatre ans
Que nous nous sommes connus l’un l’autre :
Et nous avons eu entre nous deux
Neuf ou dix enfants.
Nous en avons fait des hommes et des femmes ;
Je vois qu’ils sont dans la crainte de Dieu :
Pourquoi donc veux-tu, toi seul, t’égarer ?
Homme, prends ton vieux manteau sur toi.

LUI.

Ô Bell, ma femme, pourquoi te moques-tu ?
Maintenant est maintenant, alors était alors.
Regarde maintenant tout le monde alentour,