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APPENDICE.

morte, nous ferons tomber une partie du plancher, et lui romprons la tête, feignant qu’une poutre, en tombant, la lui ait rompue, et tuée : et en cette manière, personne n’aura aucun soupçon de vous : et chacun estimera qu’elle sera morte par une infortune.

Le cruel conseil fut agréable au More, et ayant attendu le temps convenable, étant une nuit couché avec elle et ayant déjà caché l’enseigne en une garderobe, prochaine, l’enseigne, suivant le mot du guet, fit je ne sais quel bruit, en la garderobe, et le More l’ayant entendu, dit à sa femme :

— As-tu ouï ce bruit ?

— Oui, dit-elle.

— Lève-toi, dit le More, et vois que c’est.

La pauvre Disdemone se leva, et aussitôt qu’elle fut auprès de la garderobe, l’enseigne en sortit, lequel étant fort et puissant, lui donna un grand coup de chausse pleine d’arène, sur l’échine, et la fit tomber, sans pouvoir à peine mettre hors son haleine.

Mais elle appela le mieux qu’elle pût le More, pour lui aider ; lequel étant sorti du lit, lui dit :

— Méchante femme, tu as le salaire de ta déshonnêteté ; on traite ainsi celles, lesquelles feignant aimer leurs maris, leur font des cornes.

La pauvre femme entendant cela, et se sentant arrivée à la fin, pour ce que l’enseigne lui avoit redoublé un coup, dit, qu’elle appelloit la justice divine, en témoignage de sa foi, puisqu’elle ne pouvoit avoir celle du monde : et appellant Dieu à son aide, au troisième coup elle demeura morte et tuée par le méchant enseigne.

Et puis l’ayant mise dedans le lit, et lui ayant dépecé et brisé la tête, ils firent tomber le plancher de la chambre, et le More commença à crier à l’aide, secours, pour ce que la maison tombait ! les voisins accoururent à cette