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INTRODUCTION.

la ceinture dorée de la vierge folle ; elle a consenti à donner à sa nuit de noces les lascives allures d’une nuit de débauche. Concession suprême, elle a donné au devoir accompli les apparences de la faute. Grâce à cet avilissement héroïque, Hélène a atteint son but. Par un miracle de tendresse, elle a rempli les deux conditions impossibles que le comte a mises à son amour : elle a au doigt la bague héréditaire avec laquelle Bertrand a cru la payer du déshonneur, et elle sent tressaillir dans ses flancs l’enfant qu’elle a conçu de lui. Ô prodige ! après être entrée furtivement, la tête basse, dans la chambrette d’une maison suspecte, elle en sort, l’auréole au front. La courtisane s’est transfigurée en épouse. La prostituée est devenue mère.

Comte de Roussillon, à genoux !

Le dénoûment de Tout est bien qui finit bien symbolise dans une réconciliation grandiose la société rêvée par Shakespeare. Il consacre par le triomphe d’Hélène ces grands principes proclamés par le poëte au commencement de son œuvre : — Quand des actes vertueux procèdent d’un rang infime, ce rang est ennobli par la conduite de leur auteur. Être enflé de titres pompeux et manquer de vertu, c’est avoir l’honneur hydropique. Le bien est le bien, sans nom ; le mal de même. C’est par la qualité qu’il faut classer les choses, non par l’épithète. L’honneur du meilleur aloi, nous le dérivons de nos actes et non de nos aïeux. Quant au mot honneur, ce n’est qu’un esclave prostitué à toutes les tombes. — Maximes toujours vraies qu’à sa gloire immortelle Shakespeare a jetées comme l’audacieux défi de l’avenir à la face du moyen âge !

Telle est la portée morale que le poëte a voulu donner à son œuvre. Et pour que sa pensée ressortît mieux encore, il a rattaché à l’intrigue principale cet épisode