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SCÈNE V.
lune n’a jamais plus d’un mois, et je dis en outre que c’était un faon que la princesse a tué.
HOLOPHERNE.

Sire Nathaniel, voulez-vous entendre une épitaphe improvisée sur la mort du daim ? Pour complaire à cet ignorant, j’ai appelé faon le daim que la princesse a tué.

NATHANIEL.

Perge, bon maître Holopherne, perge ; pourvu toutefois que vous abrogiez toute vulgarité.

HOLOPHERNE.

Je vais jouer un peu sur les mots ; car c’est cela qui dénote la facilité.

Il déclame.

À voir le petit faon qu’a mis bas la princesse,
Un grand nombre diront : ce faon est un infant !
S’ils l’avaient vu voler de toute sa vitesse,
Les mêmes auraient dit : mais c’est un éléphant !

NATHANIEL.

Quel rare talent !

BALOURD.

Il a donc de l’esprit jusqu’au bout de la patte qu’on admire ainsi son talon.

HOLOPHERNE.

C’est un don que je possède, fort simple, ah ! fort simple : j’ai une imagination follement extravagante, pleine de formes, de figures, de visions, d’objets, d’idées, d’appréhensions, de motions et de révolutions : le tout conçu dans le ventricule de la mémoire, nourri dans le sein de la pia-mater et enfanté dans la maturité de l’occasion. Cette faculté est surtout bonne chez ceux en qui elle est piquante ; et sous ce rapport je n’ai que des grâces à rendre.