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PEINES D'AMOUR PERDUES.

LA PRINCESSE.

— Saint Denis contre saint Cupido ! qui sont ceux qui chargent leur éloquence contre nous ? Parle, éclaireur, parle.

BOYET.

— Sous le frais ombrage d’un sycomore — je m’apprêtais à fermer les yeux une demi-heure, — quand, brusquement, mon repos projeté fut interrompu, — et je vis se diriger vers cet ombrage — le roi et ses compagnons. Prudemment — je me glissai dans un fourré voisin — d’où j’entendis ce que vous allez entendre, — à savoir que tout à l’heure ils arriveront ici déguisés. — Leur héraut est un joli fripon de page — qui sait par cœur son message : — action et accent, ils lui ont tout appris. — Voilà comment tu parleras et comment tu te tiendras. — Sur quoi, ils ont exprimé la crainte — que votre présence majestueuse ne le déconcertât. — Tu vas voir un ange, a dit le roi ; — n’importe ! n’aie pas peur et parle hardiment. — Un ange n’est pas méchant, a répliqué le page ; j’aurais eu peur d’elle, si elle avait été un diable. Là-dessus, tous de rire, et de lui frapper sur l’épaule, — enhardissant de leurs éloges le hardi farceur. — L’un se frottait le coude, comme ceci, et se tordait, et jurait — que jamais meilleur mot n’avait été dit ; — l’autre, faisant claquer un doigt contre son pouce, — criait : Nous ferons la chose, advienne que pourra. — Le troisième cabriolait et criait : Tout va bien. Le quatrième fit une pirouette sur son orteil et tomba. — Sur ce, tous se sont affaissés à terre, — avec un rire si acharné, si profond qu’au milieu de leur humeur joyeuse ont apparu, — pour réprimer leur folie, les larmes solennelles de la douleur !

LA PRINCESSE.

— Comment ? comment ? Est-ce qu’ils viennent nous rendre visite ?