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PEINES D'AMOUR PERDUES.
vous conjure, — du fond de ma soudaine tristesse, de daigner — excuser ou dissimuler, dans votre inépuisable sagesse, — les excès de notre railleuse humeur. — Si nous avons dépassé les bornes — dans la familiarité de la causerie, c’est votre courtoisie — qu’il en faut accuser.
Au Roi.

Adieu, digne seigneur ! — Un cœur accablé ne tolère pas une langue obséquieuse, — Excusez-moi, si je ne vous remercie pas plus longuement — de la grande concession que j’ai si aisément obtenue de vous.

LE ROI.

— Le temps, dans ses moments suprêmes, vers sa conclusion suprême — précipite chaque chose ; — et souvent c’est quand il va nous échapper, qu’il décide — ce qu’un long procès n’avait pu arbitrer. — Quoiqu’un front assombri par le deuil filial — interdise à la courtoisie souriante de l’amour — de plaider la cause sacrée qu’il voudrait gagner, — pourtant, puisque l’amour a été admis à présenter sa requête, — que les nuages de la douleur ne le détournent pas — de ses fins ! Pleurer des amis perdus — est bien moins salutaire et profitable — que de se réjouir des amis nouvellement trouvés…

LA PRINCESSE.

— Je ne vous comprends pas : vous redoublez mes chagrins.

BIRON.

— Des paroles simples et franches pénètrent le mieux l’oreille de la douleur. — Par ces éclaircissements comprenez la pensée du roi. — C’est pour l’amour de vous, belles, que nous avons perdu notre temps — et fait faux bond à nos serments. Votre beauté, mesdames, — nous a défigurés tous, en façonnant nos goûts — à l’inverse