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PEINES D'AMOUR PERDUES.

ROSALINE.

Nous n’en avons pas jugé ainsi.

LE ROI.

— Voyons, à la dernière minute, accordez-nous votre amour.

LA PRINCESSE.

C’est un temps trop court, ce me semble, — pour conclure un marché à perpétuité. — Non, non, monseigneur ! Votre Grâce s’est parjurée, — elle s’est rendue chèrement coupable ; qu’elle m’écoute donc ! — Si pour l’amour de moi, prétexte auquel je ne crois pas, — vous êtes prêt à faire quelque chose, voici ce que vous ferez. — Je ne me fie pas à vos serments ; mais retirez-vous au plus vite — dans quelque ermitage solitaire et désolé, — bien éloigné de tous les plaisirs du monde. — Restez-y jusqu’à ce que les douze signes célestes — aient subi leur recensement annuel. — Si cette vie austère et insociable — ne change rien à l’offre faite par vous dans l’ardeur des sens, — si la gelée et le jeûne, le rude logement et les vêtements légers — ne flétrissent pas l’éclatante floraison de votre amour, — si votre amour résiste à cette épreuve et persiste, — alors, à l’expiration de l’année, — venez. Réclamez-moi, réclamez-moi au nom de votre mérite nouveau… — et, par cette main virginale qui en ce moment étreint la tienne, — je serai à toi ! Jusqu’à ce moment-là je veux enfermer — ma tristesse dans une demeure de deuil, — pour verser une pluie de larmes lamentables — au souvenir de la mort de mon père. — Si tu te refuses à cela, que nos mains se détachent — et que nous cœurs renoncent l’un à l’autre !

LE ROI.

— Si je me refuse à cette épreuve ou à toute autre — ayant pour but d’ennoblir mon âme par le repos, — que