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SCÈNE XIII.

glaive n’oublie personne ! — Sois sans pitié pour la barbe blanche du vieillard honoré : — c’est un usurier ! Frappe-moi la matrone hypocrite : — elle n’a d’honnête que son vêtement : — c’est une maquerelle ! Que la joue de la vierge — n’attendrisse pas le tranchant de ton épée ; car ses seins de lait, — qui entre les barreaux de sa gorgerette provoquent le regard de l’homme, — ne sont pas inscrits sur la page de la pitié (20) : — condamne-les comme d’horribles traîtres. N’épargne pas le marmot, — dont le sourire en fossette épuise l’indulgence des imbéciles ; — tiens-le pour un bâtard qu’un oracle — équivoque a désigné pour te couper la gorge, — et hache-le sans remords. Abjure toute émotion : — couvre tes oreilles et tes yeux d’une cuirasse — impénétrable que le cri des mères, des vierges et des enfants, — que la vue des prêtres saignant sous leurs vêtements sacrés — ne saurait entamer. Voici de l’or pour payer tes soldats. — Sois l’exterminateur de tous ; et, ta fureur assouvie, — sois toi-même exterminé ! Plus un mot ; pars.

alcibiade.

— As-tu encore de l’or ? J’accepte l’or que tu me donnes, — mais non tes conseils.

phryné et timandra.

— Donne-nous de l’or, bon Timon. En as-tu encore ?

timon.

— Assez pour faire renoncer une putain à son commerce, — et une maquerelle à faire des putains. Drôlesses, tendez — vos tabliers. À vous autres on ne demande pas de serments ; — quoique vous soyez prêtes, je le sais, à jurer, à jurer effroyablement, — au risque de faire frissonner d’un tremblement céleste — les dieux qui vous entendent ! Épargnez-vous donc les serments ; je me fie à vos instincts. Soyez putains toujours. — Avec celui dont la voix pieuse chercherait à vous convertir, — redoublez de dévergondage, séduisez-le, embrasez-le ; que