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SCÈNE XIII.

apemantus.

— Tu t’es perdu, en ne ressemblant qu’à toi-même : — insensés si longtemps, imbécile aujourd’hui ! Crois tu donc — que le vent glacial, impétueux chambellan, — va t’apporter ta chemise chaude ? que ces arbres moussus — qui survivent à l’aigle, vont te suivre comme des pages — et se déplacer sur un signe de toi ! que le froid ruisseau, — figé par la glace, va t’offrir un lait de poule matinal — pour réparer tes excès nocturnes ? Appelle les créatures — que leur nudité soumet à tous les outrages — d’un ciel acharné qui, sans vêtement, sans abri, — exposées au choc des éléments, — vivent au gré de la nature : dis-leur de te flatter ; — oh ! tu reconnaîtras…

timon.

Un sot en toi. Va-t’en.

apemantus.

— Je t’aime maintenant plus que je ne t’ai jamais aimé.

timon.

— Moi, je te hais davantage.

apemantus.

Pourquoi ?

timon.

Tu flattes la misère.

apemantus.

— Je ne te flatte pas ; je dis que tu es un gueux.

timon.

— Pourquoi viens-tu me chercher ?

apemantus.

Pour te vexer.

timon.

— C’est toujours l’office ou d’un méchant ou d’un niais. — Y prends-tu plaisir ?

apemantus.

Oui.