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APPENDICE.

Ce dit, il fit appeler le geôlier, el lui dit :

— Tire de prison le frère de cette fille, et le lui mène en sa maison.

Épitia, ayant entendu cela, s’en alla en la maison toute joyeuse, attendant son frère délivré.

Le geôlier, ayant fait mettre le corps de Vico sur une bière, lui mit la tête aux pieds, et, l’ayant couvert d’un drap noir, il le fit porter à Épitia.

Et étant entré en la maison, il fit venir la fille et lui dit :

— Voilà votre frère que monsieur le gouverneur vous envoie délivré de prison.

Et ayant dit ainsi, il fit découvrir la bière, et lui offrit son frère en la manière que vous avez ouïe.

Je ne pense pas que l’on pût dire jamais ni comprendre quel fut l’ennui et déplaisir d’Épitia, quand elle vit son frère en cet état ; je pense bien que vous croyez qu’il fut extrême : mais elle le tint clos en son estomac ; et là où toute autre femme se fût mise à pleurer et à crier, elle à qui la philosophie avait enseigné comme l’on se doit porter en toute fortune, montra qu’elle était contente, et dit au geôlier :

— Vous direz à votre seigneur et au mien aussi, que j’accepte mon frère tel qu’il lui a plu de me l’envoyer, et puisqu’il n’a voulu satisfaire à ma volonté, je suis contente qu’il ait accompli la sienne, pensant qu’il ait justement fait ce qu’il a fait ; et me recommanderez à lui, m’offrant toujours prête à lui complaire.

Le geôlier fit ce récit à Juriste, qui pensa qu’il pourrait avoir la jeune fille à sa volonté, comme si elle était sa femme, et qu’il lui eût offert son frère en vie.

Après que le geôlier fut parti, Épitia pleura et fit de grandes plaintes sur le corps mort de son frère, maudissant la cruauté de Juriste et sa simplicité de s’être don-