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SCÈNE III.

norfolk.

— Sentence rigoureuse, mon souverain seigneur, — et que je n’attendais pas de la bouche de Votre Altesse ! — Coup profond — qui me rejette dans une atmosphère misérable ! — Ah ! j’avais mérité de Votre Altesse une meilleure récompense ! — L’idiome que j’ai appris depuis quarante années, — mon anglais natal, je dois désormais l’oublier. — Et désormais ma langue me sera aussi inutile — qu’une viole ou une harpe sans cordes, — qu’un bon instrument enfermé dans son étui — ou mis entre des mains — qui ne savent pas le toucher pour en régler l’harmonie. — Dans ma bouche vous avez emprisonné ma langue — sous la double grille de mes dents et de mes lèvres ; — et la stupide, l’insensible, la stérile ignorance — doit me servir de geôlier. — Je suis trop vieux pour cajoler une nourrice, — trop avancé en âge pour me faire écolier. — Qu’est-ce donc que ta sentence, sinon une mort muette — qui dérobe à ma langue son souffle natal ?

richard.

— Il ne te sert de rien de te lamenter. — Après notre sentence, les plaintes arrivent trop tard.

norfolk.

— Ainsi je vais tourner le dos au soleil de mon pays — pour aller vivre dans les mélancoliques ténèbres d’une nuit sans fin.

Il va pour se retirer.
richard, à Norfolk.

— Reviens et prends un engagement.

Aux deux exilés.

— Posez sur notre royale épée vos mains proscrites ; — jurez, par l’allégeance que vous devez au ciel — (celle que vous nous devez, nous la bannissons avec vous), — de tenir le serment que nous vous administrons : — ju-