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RICHARD II.

scroop.

— La plus douce affection, je le vois, en se dénaturant, — tourne à la plus aigre et à la plus mortelle haine. — Rétractez vos imprécations contre leurs âmes. Ils ont fait leur paix, — mais en tendant leur tête, et non leur main. Ceux que vous maudissez — ont reçu le coup suprême de la mort — et gisent profondément ensevelis dans le gouffre de la terre.

aumerle.

— Quoi ! Bushy, Green et le comte de Wiltshire sont morts !

scroop.

— Oui, tous trois ont eu la tête tranchée à Bristol.

aumerle.

— Où est le duc mon père avec ses forces ?

richard.

— Peu importe… Qu’on ne me parle plus d’espérance ! — Causons de tombeaux, de vers et d’épitaphes. — Faisons de la poussière notre papier, et avec la pluie de nos yeux — écrivons la douleur sur le sein de la terre. — Choisissons des exécuteurs testamentaires et disons nos dernières volontés… — Et pourtant, non ! Car, que pouvons-nous léguer, — hormis notre corps dégradé à la terre ? — Nos domaines, nos existences, tout est à Bolingbroke. — Et nous ne pouvons rien appeler nôtre, si ce n’est la mort, — et cette chétive maquette de terre stérile — qui empâte et couvre nos os ! — Au nom du ciel, asseyons-nous à terre, — et disons la triste histoire de la mort des rois : — les uns déposés, d’autres tués à la guerre, — d’autres hantés par les spectres de ceux qu’ils avaient détrônés, — d’autres empoisonnés par leurs femmes, d’autres égorgés en dormant, — tous assassinés ! Car dans le cercle même de la couronne — qui entoure les tempes mortelles d’un roi — la mort tient sa