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RICHARD II.

— Car le voilà brisé en mille éclats… — Remarque, roi taciturne, la morale de ce spectacle, — comme ma douleur a vite détruit mon visage !

bolingbroke.

— L’ombre de votre douleur a détruit — l’ombre de votre visage.

richard.

Répète cela. — L’ombre de ma douleur ? ah ! voyons ! — C’est très-vrai, mon chagrin est tout intérieur ; — et ces formes externes de la désolation — ne sont que les ombres du chagrin invisible — qui fermente en silence dans l’âme torturée. — C’est là qu’en est l’essence ; et je te remercie, roi, — de ta bonté grande : non-seulement tu donnes — cause à mon affliction, mais tu instruis ma douleur — à remonter à sa cause. Je vais demander une faveur, — et puis partir pour ne plus vous importuner. — L’obtiendrai-je ?

bolingbroke.

Quelle est-elle, beau cousin ?

richard.

— Beau cousin ! Eh ! mais je suis plus grand qu’un roi. — Car, quand j’étais roi, mes flatteurs — n’étaient que mes sujets ; et maintenant que je suis un sujet, — voici que j’ai un roi pour flatteur. — Étant si grand, je n’ai pas besoin de solliciter.

bolingbroke.

— Demandez pourtant.

richard.

Et j’obtiendrai la chose ?

bolingbroke.

Vous l’obtiendrez.

richard.

— Eh bien ! permettez-moi de m’en aller.

bolingbroke.

Où ?