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SCÈNE VI.

qu’est-ce qui t’ôte — l’appétit, la gaieté et le sommeil doré ? — Pourquoi tournes-tu tes yeux vers la terre, — et tressailles-tu si souvent quand tu es seul ? — Pourquoi as-tu perdu la fraîcheur de tes joues, — et abandonné mes trésors, et tous mes droits sur toi, — à la rêverie sombre et à la mélancolie maudite ? — Dans tes légers sommeils, j’ai veillé près de toi, — et je t’ai entendu murmurer des récits de luttes armées, parler en termes de manège à ton destrier bondissant, — et lui crier courage ! en avant ! Et tu parlais — de sorties, de retraites, de tranchées, de tentes, — de palissades, de fortins, de parapets, — de basilics, de canons, de couleuvrines, de prisonniers rachetés, et de soldats tués, — et de tous les incidents d’un combat à outrance. — Ton esprit en toi avait si bien guerroyé, — et t’avait tellement surmené dans ton sommeil, — que des perles de sueur ruisselaient sur ton front, — comme des bulles sur un cours d’eau fraîchement agité ; — et sur ta face apparaissaient d’étranges contractions, — comme nous en voyons aux hommes qui retiennent leur haleine — dans un grand et brusque élan. Oh ! qu’annoncent ces présages ? — Mon seigneur est engagé dans quelque grave affaire, — et je dois le connaître, où il ne m’aime pas.

hotspur.

— Holà !

Entre un valet.

Gilliams est-il parti avec le paquet ?

le valet.

— Oui, milord, il y a une heure.

hotspur.

— Butler a-t-il amené ces chevaux de chez le shériff ?

le valet.

— Milord, il vient d’amener un cheval à l’instant même.