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HENRY IV.

nesse, vous que tous les caractères de l’âge désignent comme un vieillard ! N’avez-vous pas l’œil humide, la main sèche, le teint jaune, la barbe blanche, la jambe qui décroît, le ventre qui grossit ? N’avez-vous pas la voix cassée, l’haleine courte, le menton double, l’intelligence simple, et toutes vos facultés flétries par la caducité ? Et encore vous vous donnez pour jeune ! Fi, fi, fi, sir John !

falstaff.

Milord, je suis né vers trois heures de l’après-midi avec la tête blanche et un ventre quelque peu replet. Pour ma voix, je l’ai perdue à brailler et à chanter des antiennes. Quant à vous donner d’autres preuves de ma jeunesse, je n’en ferai rien : la vérité est que je suis vieux seulement par la raison et l’entendement ; et celui qui veut risquer mille marcs contre moi, à qui exécutera le mieux la cabriole, n’a qu’à m’avancer l’argent, et gare à lui ! Pour le soufflet que le prince vous a donné, il vous l’a donné avec une brusquerie princière, et vous l’avez reçu avec une noble sensibilité. Je l’en ai grondé, et le jeune lion fait pénitence, non pas dans la cendre, morbleu, mais dans la soie neuve, non pas dans le sac de bure, mais en sac-à-vin.

le grand juge.

Allons, que Dieu envoie au prince un meilleur compagnon !

falstaff.

Que Dieu envoie au compagnon un meilleur prince ! Je ne puis me de débarrasser de lui.

le grand juge.

Eh bien, le roi vous a donc séparé du prince Henry : j’apprends que vous devez marcher, avec lord John de Lancastre, contre l’archevêque et le comte de Northumberland.

falstaff.

Ouais ; j’en rends grâce à votre mignonne et charmante