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HENRY IV.

l’hôtesse.

Ô mon très-vénérable lord, n’en déplaise à Votre Grâce, je suis une pauvre veuve d’East-Cheap, et il est arrêté à ma requête.

le grand juge.

Pour quelque compte, sans doute ?

l’hôtesse.

Il n’y a là aucun conte, milord, il s’agit de tout mon avoir. Il m’a tout mangé, maison et le reste ; il a mis toute ma substance dans sa grosse bedaine… Mais va, tu m’en rendras une partie, ou je serai toutes les nuits sur toi, comme ta bête noire.

falstaff.

Je crois plus probable que je serai, moi, sur la bête noire, pour peu que j’aie l’avantage du terrain.

le grand juge.

Qu’est-ce que ça signifie, sir John ? Fi ! quel homme de tempérament raisonnable pourrait endurer cette tempête d’imprécations ? Est-ce que vous n’avez pas honte de forcer une pauvre veuve à recourir à de telles violences pour ravoir son bien ?

falstaff, à l’hôtesse.

Quelle est la somme totale de ce que je te dois ?

l’hôtesse.

Morguienne ! ta personne et ton argent, si tu étais un honnête homme. Tu m’as juré, sur un gobelet à figures dorées, assis dans ma chambre du Dauphin, à la table ronde, près d’un feu de charbon, le mercredi de la Pentecôte, le jour où le prince t’a fendu la tête pour avoir comparé son père à un chanteur de Windsor, tu m’as juré, au moment où je lavais ta blessure, de m’épouser et de faire de moi milady ton épouse. Peux-tu nier ça ? Est-ce que Dame Réjouissance, la femme du boucher, n’est pas entrée alors, en m’appelant commère Quickly ? Elle ve-