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SONNETS.

ce qui existe a existé d’abord, quelle déception pour notre cerveau qui, dans le travail de l’invention, porte à son

insu pour la seconde fois le fardeau d’un enfant déjà né !

Oh ! que l’histoire ne peut-elle, en ramenant mes regards dans le passé, par delà cinq cents révolutions de soleil, me montrer votre image dans quelque livre ancien, daté des premiers temps où la pensée fut fixée par des caractères !

Que ne puis-je voir ce qu’a pu inspirer au monde antique cette prodigieuse apparition de votre personne, et savoir ainsi si nous sommes en progrès ou en décadence, ou si la révolution n’est qu’une répétition !

Oh ! j’en suis sûr, les esprits des époques primitives ont donné la louange de l’admiration à des objets moins parfaits que vous.


*

CXIX

Ô mon aimable enfant, toi qui tiens en ton pouvoir le sablier capricieux et qui joues avec l’heure, cette faux du Temps, toi qui vis de ravages et ne montres autour de toi que des cœurs flétris à mesure que tu grandis !

Si la nature, cette souveraine qui règne sur des ruines, te retient près d’elle à chaque pas que tu fais en avant, c’est qu’elle te garde dans le but de tromper par la ruse le temps et de tuer les heures misérables.

Pourtant ne te fie pas à elle, ô toi, favori de son caprice. Elle peut retenir, mais non pas garder toujours son