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LE VIOL DE LUCRÈCE.

LXXVII

» Donc, au nom de ton mari et de tes enfants, exauce ma prière, ne leur lègue pas pour toute fortune une flétrissure que rien ne pourra leur enlever, une tache que rien ne pourra effacer, plus indélébile que le stigmate de l’esclave et qu’un signe au corps d’un nouveau-né : car les marques que les hommes portent en naissant sont la faute de la nature, et non leur déshonneur. »

LXXVIII

Ici, fixant sur Lucrèce le regard meurtrier du basilic, il se redresse et fait une pause ; tandis qu’elle, l’image de la pure piété, comme une biche blanche étreinte par les serres d’un griffon dans une solitude où il n’y a point de loi, en appelle à la bête féroce qui méconnaît les droits de la douceur et n’obéit qu’à son affreux appétit.

LXXIX

Quand un nuage noir menace le monde, enveloppant dans ses sombres vapeurs les montagnes altières, des entrailles obscures de la terre s’échappe une douce brise qui écarte ces brumes ténébreuses et en prévient ainsi la chute immédiate. Ainsi la voix de Lucrèce arrête son sacrilége empressement, et le farouche Pluton ferme les yeux en écoutant Orphée.

LXXX

Pourtant l’affreux chat, rôdeur de nuit, ne fait que jouer avec la faible souris qui palpite sous sa griffe. L’attitude désolée de Lucrèce alimente cette furie de vautour,