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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CLXXXIII

» Mais dis-moi, fille, quand donc… (et ici elle s’arrêta pour pousser un profond soupir) Tarquin est-il parti ? » — « Madame, avant que je fusse levée, répondit la suivante, ma négligence paresseuse n’en est que plus blâmable ; pourtant j’ai pour ma faute cette excusez : je me suis levée avant le point du jour, et Tarquin était déjà parti.

CLXXXIV

» Mais, madame, si votre servante l’osait, elle demanderait à connaître la cause de votre accablement. » — « Oh ! silence ! s’écrie Lucrèce, si je te la disais, cette révélation ne l’atténuerait pas, car elle est telle que je ne puis pleinement l’exprimer ; et l’on peut appeler un enfer l’atroce torture dont on souffre plus qu’on ne peut le dire.

CLXXXV

» Va, apporte-moi du papier, de l’encre et une plume ; non, épargne-toi cette peine, car j’ai tout cela ici… Qu’est-ce que je veux dire ? dis à un des hommes de mon mari de se tenir prêt à porter tout à l’heure une lettre à mon seigneur, à mon amour, à mon chéri ; dis-lui de se préparer à la porter au plus vite ; la chose est pressée, et ce sera bientôt écrit. »

CLXXXVI

La suivante est partie. Lucrèce se prépare à écrire, tenant sa plume suspendue au-dessus du papier. Sa pensée et sa douleur se livrent un combat acharné ; ce