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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/54

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SONNETS.

et de place avec les touches dansantes sur lesquelles tes doigts se promènent d’une si douce allure, rendant le bois mort plus heureux que des lèvres vivantes.

Puisque ces petites effrontées en sont si joyeuses, donne-leur tes doigts à baiser, mais donne-moi tes lèvres.

VI (3)

Si musique et douce poésie s’accordent comme le doivent deux sœurs, alors nous devons bien nous aimer, toi et moi, car tu aimes l’une et j’aime l’autre.

Ton goût est pour Dowland (4), dont la touche céleste sur le luth ravit les sens humains ; le mien est pour Spenser (5), dont la pensée est si profonde que, dépassant toute pensée, elle échappe à l’éloge.

Tu aimes entendre le doux son mélodieux que Phébus tire de son luth, ce roi de la musique, et moi je suis surtout noyé dans des délices profondes quand il se met à chanter.

Poésie et musique ont le même Dieu, dit la fable : toutes deux ont le même amoureux, car toutes deux vivent en toi.

VII

Oh ! ne me demande pas d’excuser le mal que ta cruauté fait subir à mon cœur. Blesse-moi, non avec tes yeux, mais avec ta langue : use puissamment de ta puissance, mais ne mets pas d’art à me tuer.