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SONNETS.

Sache-le, mon amour pour toi est aussi justifiable que ton amour pour ceux que tes yeux courtisent, comme les miens t’importunent. Enracine la pitié dans ton cœur afin que, lorsqu’elle y croîtra, ta pitié puisse te valoir la pitié des autres.

Autrement, quand tu chercheras ce bonheur que tu me dérobes, puisses-tu, d’après ton exemple, n’essuyer que refus !

XXII

En t’aimant tu sais que je suis parjure ; mais toi, en me jurant ton amour, tu es parjure deux fois ; déloyale envers le lit d’un autre, tu as déchiré ta foi nouvelle, en me vouant ta haine après m’avoir promis ton amour.

Mais pourquoi t’accuserais-je de deux serments violés, quand j’en viole vingt ? C’est moi qui suis le plus parjure : car je jure par tous les vœux de te réprouver, et tu me fais oublier toutes mes paroles d’honneur ;

Car j’ai attesté par des serments profonds ta profonde tendresse, ton amour, ta sincérité, ta constance, et, pour te faire lumineuse, j’ai aveuglé mes yeux, ou je leur ai fait jurer le contraire de ce qu’ils voyaient.

Car j’ai juré que tu es belle, me parjurant encore pour jurer contre la vérité une fausseté si noire !

XXIII

Cupidon, ayant posé près de lui sa torche, s’endormit : une des vierges de Diane saisit cette occasion et plongea